Sportive et enceinte, la gestion des entraînements pendant et après la grossesse

Comment entraîner une femme enceinte ou une sportive de haut niveau pendant ou après sa grossesse ? Durant la grossesse, les entraînements peuvent être maintenus, il suffit de les adapter et de les individualiser. En tant qu'athlète de haut niveau, le choix d'être enceinte peut être difficile, c'est à vous, professionnels du monde du sport d'adopter une attitude bienveillante et de rassurer la future maman sur les doutes qu'elle peut avoir sur le sport et la grossesse d'un point de vue large.

L'étude du Committee on Obstetric Practice (2020) nous donne des recommandations à suivre sur la grossesse et le sport en ayant recensé plus de 70 études abordant le sujet. Découvrez ci-dessous ces recommandations. 

Grossesse et changements

La grossesse, qui dure entre 39 et 41 semaines généralement va engendrer des changements anatomiques et physiologiques chez la femme.

D'abord, la prise de poids. Elle varie entre 9 et 15kg et va se localiser au niveau du placenta, l'utérus, les seins et la graisse (Ministère Chargé des Sports, 2021).

En plus de cela, la lordose lombaire va être accentuée.

Pour se développer et grandir, l'enfant dans le ventre de sa mère, a besoin d'énergie. Le métabolisme augmente au repos pour subvenir à ses besoins.

Le débit cardiaque, le volume d'éjection systolique, la fréquence cardiaque (FC) et le volume sanguin augmentent durant la grossesse. Le retour veineux peut être diminué en raison d'une compression de la veine cave par l'utérus gravide notamment dans la position allongée. Ceci peut entraîner une hypotension.

La consommation d'oxygène et la production de CO2 augmentent, c'est pourquoi la ventilation par minute peut augmenter jusqu'à 50%. La capacité de faire de l'exercice anaérobie est altérée en raison d'une diminution de la réserve pulmonaire.

L'entraînement aérobie a montré des bénéfices sur la capacité aérobie des femmes enceintes de poids normal et en surpoids.


Dans le sport d'élite, ces changements ne sont toujours pas les bienvenus...


Les bénéfices de l'activité physique pendant la grossesse

Bénéfices

Les exercices réguliers en aérobie permettent de se maintenir en forme physiquement.

Les femmes enceintes pratiquant régulièrement un activité physique avaient moins :

  • Diabète sucré gestationnel
  • De douleurs corporelles (e.g. lombaires)
  • Naissance par césarienne
  • Naissance prématurée
  • Temps de récupération post accouchement
  • Gain de poids gestationnel excessif

L'activité physique a également un effet préventif de la dépression post accouchement.

Individualiser

20 à 30 minutes d'exercices plusieurs fois par semaine (voire tous les jours) est le minimum à fournir pour maintenir sa forme physique.

Comme la FC à l'exercice en étant enceinte est différente qu'en temps "normal", il peut être opportun de mesurer l'intensité de l'exercice avec une échelle subjective type échelle de Borg ou CR-10 pour rester sur une intensité modérée bien qu'un seuil sécuritaire d'intensité n'ait pas été établi.


Les femmes qui pratiquaient une activité physique régulière avant la grossesse peuvent monter dans l'intensité de l'effort. Pour les autres, il sera primordial de respecter le principe de progressivité. 

Dans tous les cas, si certains signes tels qu'un essoufflement marqué qui persiste au repos, des étourdissements, des douleur dans la poitrine, des saignements vaginaux,...(Ministère Chargé des Sports, 2021) apparaissent il est préférable d'arrêter l'exercice.

Privilégiez un environnement où la température est modérée et faites attention à l'hydratation !

Pour les athlètes de haut niveau, faire de l'exercice intense est sans danger jusqu'au 3e trimestre lorsque la grossesse se passe bien mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mesurer l'impact des exercices à plus de 90% de la FCmax lors des 1er et 2e trimestres.

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Type d'exercices

Les auteurs de l'étude conseillent :

  • La marche
  • Le vélo d'appartement
  • La danse
  • Des exercices de résistance (à l'aide de poids, de bandes élastiques)
  • Des étirements
  • Des exercices aérobies hors et dans l'eau

Les activités de contacts (haut risque de traumatisme abdominal) et la plongée sous-marine sont déconseillées.

Un programme de 3 fois 60min/semaine d'exercices aquatiques a permis d'observer plus de périnées intacts après accouchement.

L'activité physique après la grossesse

Les auteurs ont recensé que les femmes ont tendance à diminuer leur participation à des programmes sportifs après la grossesse induisant surpoids et obésité.

Les exercices au niveau du plancher pelvien peuvent être initiés très tôt.

La reprise de l'exercice physique progressive est conseillée.

Les exercices de renforcement abdominal peuvent permettre de réduire la distance inter-recti (largeur de la ligne blanche mesurée entre les parois du grand droit, muscle de l'abdomen).

Les femmes allaitant et faisant de l'activité physique en aérobie, améliorent leur système cardiovasculaire et n'affectent pas leur lait.

Maman & athlète : difficultés rencontrées

Certaines athlètes, comme Serena Williams, veulent délivrer un autre message que "y aller doucement pendant la grossesse".

Mais comment entraîner une athlète de haut niveau enceinte ?

Davenport et al. (2022) se sont intéressés à ces athlètes et ont fait passer des entretiens à 20 athlètes de haut niveau. Pour participer à l'étude, elles devaient avoir été enceintes en même temps d'avoir pratiqué leur sport au plus haut niveau dans ces 5 dernières années.

Ces entretiens se sont conclus par un message principal : Mère VS Athlète ; et 5 thèmes principaux que vous découvrirez ci-dessous.

Mère ou athlète, il faut choisir. Certaines participantes ont reçu des messages comme "bonne retraite", "Félicitations, vous avez terminé (la compétition) à présent". Tout le long de ces entretiens, ces athlètes ont mis en lumière les nombreux choix qu'elles devaient faire.

La planification de la grossesse et de la fertilité

"Quand est-ce que je tombe enceinte ? La première année de mon cycle olympique serait parfait. Et pour les financements, les sponsors comment je gère ? "

Malgré les efforts pour tenter de planifier la grossesse, ce n'est pas toujours sous le contrôle des participantes. Cette situation peut devenir anxiogène si l'athlète devait respecter un délai qui avait été vu en parallèle des financements.

Les athlètes ayant participé à cette étude ont parlé de "menstruations irrégulières" et d'adaptation de leur volume d'entraînement pour augmenter les chances de conception mais les performances ont plus ou moins diminué.

La divulgation de la grossesse et les discriminations

Les athlètes avaient peur d'annoncer leur grossesse à leur entraîneur, leur club par peur de perdre leur place, de ne pas être acceptée et respectée.

Mais certaines avaient parlé de leur désir d'être enceinte avant même d'être enceinte car quelques unes allaient avoir recours à des traitements de fertilité qui pouvaient entraver la politique antidopage. 

Dans certains sports, il a été plus "facile" d'annoncer leur grossesse, de par l'environnement favorable qui avait été mis en place.

L'entraînement des athlètes enceintes

Certaines pensaient qu'elles allaient pouvoir continuer à s'entraîner durant toute leur grossesse, mais la grossesse est différente pour chaque femme. La frustration peut être ressentie et un manque de connaissances vis à vis de ce qu'elles devaient faire accentuait cette frustration.

L'incertitude, le doute des athlètes venait d'un décalage entre ce que les professionnels de soin et de santé pensaient et la méfiance des athlètes vis à vis d'eux. "Continuez à vous entraîner tant que vous vous sentez bien". Cette athlète qui attendue cette phrase d'un professionnel ce disait qu'il ne visualisait pas bien le niveau auquel elle jouait et avait peur que ce ne soit pas adapté. Certaines athlètes se rapprochaient de spécialistes du plancher pelvien en ayant plus de sérénité.

Les problèmes de sécurité

Beaucoup d'inquiétudes étaient ressenties par ces athlètes.

  • "Est-ce que je peux continuer à m'entraîner ?"
  • "Est-ce pour cela que je ne tombe pas enceinte ?"
  • "Quelles sont les conséquences de mes entraînements sur ma grossesse, moi, mon bébé ?"
  • "Comment adapter ?"

En cherchant des informations, elles se sont rendu compte qu'il y avait un manque d'informations à ce sujet.

Réseau de soutien et financement équitable

L'entourage joue un rôle très important dans ce projet d'avoir un enfant et de maintenir sa carrière. La famille, l'entraîneur et les coéquipiers étaient cités par les participantes. Une d'entre elles a soulevé le fait qu'elle souhaitait une entraîneur femme car les entraîneurs hommes ne se montraient pas compréhensibles.

Pour rester en élite, les athlètes ont mis en avant le soutien financier. Dans certains pays, la grossesse était classée comme une blessure, aujourd'hui il existe une carte de grossesse qui permet de continuer à recevoir un soutien financier. Mais ceci n'est pas clair partout. Lorsque les financements ne suivaient pas, les athlètes retardaient leur grossesse ou cessaient le sport.


Maman et athlète, c'est possible, comme en témoigne certaines athlètes mais c'est surtout le staff, les coéquipières, l'entourage qui doivent être là et montrer leur soutien !


RÉFÉRENCES

Committee on Obstetric Practice. (2020). Physical Activity and Exercise During Pregnancy and the Postpartum Period. Obstetrics & ; Gynecology, 135(4), e178‑e188. 

Davenport, M. H., Nesdoly, A., Ray, L., Thornton, J. S., Khurana, R., & McHugh, T. L. F. (2022). Pushing for change : a qualitative study of the experiences of elite athletes during pregnancy. British Journal of Sports Medicine, 56(8), 452‑457.

Ministère Chargé des Sports. (2021). Maternité et pratique d’une APS.

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